Trouver son style, suivre sa voie, prendre sa place.

©Elodiedeceuninck

Il y a une phrase que j’entends très régulièrement en séance « je m’habille de manière très classique et je n’aime pas mon style car il est basique ». Et c’est intéressant de voir, à travers mon regard de sociologue du vêtement, que le terme de « classique » revêt de multiples définitions selon la personne qui m’en fait sa propre description. Ce qui est classique signifie en réalité « ce qui fait autorité, digne d’être imité ».

Mais alors, qu’est-ce qui fait autorité en ce qui concerne l’habillement ? Penser que l’on est classique, n’est-ce pas finalement avoir cette impression de suivre un certain format, une façon commune de s’habiller, qui ne serait pas originale ou singulière ?   

A certaines périodes de la vie, choisir nos vêtements ne pose aucune question, cela coule de source. A d’autres moments, ils sont un moyen de se cacher, de masquer nos complexes et notre fragilité. Ils deviennent parfois un autre moyen agréable de séduction, quand la passion et la joie de vivre jaillit sans qu’on l’attende. Ils reflètent aussi souvent notre éducation, notre environnement, un chemin - vestimentaire - tout tracé par d’autres où l’on finit par ne plus s’y retrouver...

Marie me confiait il y a quelques jours : « je pense que mes vêtements ne reflètent pas qui je suis. J’ai passé ma vie à prendre soin des autres, à m’adapter à ce qu’on attendait de moi, et aujourd’hui je voudrais montrer une image qui me correspond. D’abord pour moi-même et aussi pour exister et prendre ma juste place au milieu des autres ».

Affirmer son style c’est l’accorder à soi, sans parade et sans superflu. C’est trouver sa propre voie d’expression. Cette seconde peau, cette matière vivante que sont nos vêtements ont ce pouvoir d’étendre la surface de notre corps et de nous donner de l’amplitude pour pouvoir prendre physiquement et intérieurement notre place.

J’aime penser que nous portons nos vêtements autant qu’ils nous portent. Car nous ne les choisissons jamais vraiment par hasard... on habille à travers eux nos intentions.

Dès lors, selon vous, porter un jeans et un pull est-il classique ? S’habiller d’un tailleur est-il une forme de classicisme ? Pour moi, ni l’un ni l’autre ne l’est… Il suffit la plupart du temps d’un petit ajustement, d’un accessoire qui sort du lot, du choix d’un jeans plus moderne (matière, coupe, délavage, les options sont infinies…), d’une paire de chaussures plus originale, pour donner vie à ses tenues. Il y a autant de façons de porter un jeans que de personnes qui les portent : créative, féminine, décalée, enjouée, rock&roll, discrète… faites vos jeux !

Quand on ose endosser de nouveaux habits à notre mesure, quand on s’octroie la possibilité de « sortir du cadre », de prendre du recul sur les projections des autres, on se sent alors plus ancré.e, on se libère de nos propres entraves et on parvient à incarner sa propre voie. J’aime penser que nous portons nos vêtements autant qu’ils nous portent. Car nous ne les choisissons jamais vraiment par hasard... on habille à travers eux nos intentions.

Comment sortir de cette “cage” qui m’empêche d’être moi-même? Que faire lorsque je ne suis pas “chez moi” dans mon corps au point d’être tenté de l’effacer, de l’abîmer, de le déserter? Parfois, se couper les cheveux, endosser de nouveaux habits suffit à effacer ce qui paraissait de trop. On ôte les pelures superflues pour révéler une nouvelle identité pourtant présente intimement depuis longtemps.

Extrait de “Etre à sa place, habiter son corps, habiter sa vie”, Claire Marin.

Astrid Eckelmans